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Fièvres récurrentes héréditaires

Rédigé par Sophie Georgin-Lavialle, Katia Stankovic Stojanovic, Gilles Grateau, Service de Médecine Interne, Centre national de référence des amyloses d’origine inflammatoires et de la fièvre méditerranéenne familiale, DHU I2B, inflammation, immunopathologie, biothérapie, UPMC, Paris VI, Hôpital Tenon, Paris (juillet 2014)

 

Que sont les fièvres récurrentes héréditaires ?

 

Ce sont des maladies caractérisées par la survenue d’épisodes fébriles récidivants sans cause infectieuse, mais en rapport avec des mutations sur des gènes impliqués dans la défense immunitaire dite « innée ».

Ces maladies sont également appelées auto-inflammatoires car elles sont associées à la présence d’une inflammation générée spontanément par le corps humain. Il est important de ne pas les confondre avec les maladies auto-immunes dont les plus connues sont le lupus érythémateux systémique et la polyarthrite rhumatoïde qui sont associées à la présence d’anticorps produit par le système immunitaire dit « adaptatif » contre le soi et appelés auto-anticorps. 

Les plus fréquentes fièvres récurrentes héréditaires sont la fièvre méditerranéenne familiale (FMF), le déficit en mévalonate kinase (MVK), le syndrome périodique associé au récepteur du tumor necrosis factor, TNF (TRAPS), les cryopyrinopathies, qui sont associées à des mutations du gène de la cryopyrine (NLRP3) et comporte 3 entités cliniques : l’urticaire familiale au froid, le syndrome de Muckle Wells et syndrome chronique infantile neurologique, cutané et articulaire (CINCA) qui est le plus rare. Plus récemment ont été décrits : le syndrome DIRA pour « déficit de l’antagoniste du récepteur de l’interleukine 1 » et le syndrome lié aux mutations de NLRP12.

Ce groupe s’est progressivement élargi à des maladies partageant des caractéristiques cliniques, fonctionnelles ou génétiques avec les premières. On rattache ainsi au groupe originel des maladies  avec mutations génétiques retrouvées comme le syndrome PAPA et des maladies sans mutation génétique connue à ce jour,  comme le syndrome de Schnitzler.

 

Combien de personnes en sont atteintes et qui peut être atteint ?

 

La fièvre méditerranéenne familiale (FMF) est la plus fréquente des maladies auto-inflammatoires héréditaires. On estime qu’en France entre 5000 et 10000 personnes, d’origine essentiellement juive sépharade, arabe maghrébine, arménienne, turque et des autres pays du pourtour méditerranéen sont atteintes de cette maladie. Les personnes ne provenant pas du pourtour méditerranéen sont donc très rarement atteintes.

Les autres fièvres récurrentes sont plus rares et on compte moins de 100 cas de chacune de ces maladies en France. Par contre, elles peuvent toucher globalement toutes les populations. La fièvre périodique liée à des mutations de la protéine NLRP12 a été décrite dans des familles guadeloupéennes, puis italiennes.

 

A quoi sont-elles dues ?

 

Ces fièvres récurrentes héréditaires sont associées à des mutations de gènes codant des protéines impliquées dans l’immunité innée qui peut s’activer de façon inappropriée et aboutir à la formation en excès de molécules responsables de fièvre et notamment l’interleukine 1b.

Les maladies peuvent se transmettre selon deux types de transmission à la descendance:

- le mode autosomique dominant où un seul gène muté peut entraîner la maladie. le plus souvent, un des parents exprime lui aussi la maladie et la probabilité pour un sujet malade de transmettre la maladie à son enfant est de 50%.

- le mode autosomique récessif dans lequel il faut deux mutations pour entraîner la maladie, ainsi un sujet peut la développer même si ses parents sont sains mais si chacun d'entre eux lui a transmis un gène malade. Dans cette situation, la probabilité d'avoir un enfant atteint de la maladie est de 25%.

La fièvre méditerranéenne familiale est le plus souvent associée à la présence de deux mutations dans le gène MEFV (MEditerranean FeVer).

Le déficit en mévalonate kinase est lui le plus souvent associé à la présence de deux mutations du gène MVK.

Le diagnostic de TRAPS requiert la présence d’une mutation dans le gène TNFRSF1A, sachant qu’il existe des variants dont la signification précise n'est pas encore clairement établie comme le R92Q.

Les cryopyrinopathies des maladies autosomiques dominantes associées à différentes mutations d’un seul gène NRLP3 (NOD-like receptor containing a pyrin domain 3).

La fièvre périodique liée à des mutations de la protéine NLRP12 est associée comme son nom l’indique à des mutations du gène NLRP12.

Le déficit génétique en inhibiteur de l’antagoniste du récepteur de l’Interleukine 1b (DIRA) est une maladie débutant tôt dans l'enfance, de transmission autosomique récessive liée à des mutations homozygotes du gène ILRN entraînant une absence de sécrétion de l’antagoniste du récepteur à l’Interleukine 1 (IL1RA) qui habituellement inhibe l’interleukine 1b.

Le syndrome PAPA(Pyogenic arthritis, Pyoderma gangrenosum and Acne) est lié à des mutations du gène PSTPIP1 qui code une protéine appelée CD2-BP1 (CD2-binding protéine 1).

Le syndrome de Blau, ou granulomatose systémique juvénile familiale, est une maladie auto-inflammatoire autosomique dominante liée à des mutations du gène NOD2/CARD15.

Le syndrome de Nakajo-Nishimura est parfois également appelé la fièvre périodique japonaise, il est proche du syndrome CANDLE pour « chronic atypical neutrophilic dermatosis with lipodystrophy and elevated temperature » décrit en Espagne. Dans ces deux syndromes, des mutations du gène PSMB8, qui code la sous-unité b5i de l’immunoprotéasome ont été identifiées

Certaines maladies ressemblent à des fièvres récurrentes héréditaires mais aucun gène n’a pour l’instant été trouvé et leur étiopathogénie n’est à ce jour pas comprise comme  le syndrome de Schnitzler, la maladie de Still, le syndrome des abcès aseptiques, le syndrome PFAPA pour « Periodic fever, Aphtous stomatitis, Pharyngitis and Adenitis syndrome ».

 

Sont-elles contagieuses ?

 

Non, car il ne s’agit pas de maladies infectieuses.

 

Mes enfants peuvent-ils l’avoir ?

 

Oui, mais le risque varie suivant les maladies (en fonction de leur transmission récessive ou dominante) et des origines des parents (notamment pour la fièvre méditerranéenne familiale). Dans tous les cas il convient d’en discuter avec le médecin spécialiste afin qu’il explique les risques en fonction de la maladie en question et du conjoint.

Comme écrit plus haut, dans les maladies à transmission autosomique dominante, la probabilité pour un sujet malade de transmettre la maladie à son enfant est de 50%. Alors que dans les maladies à transmission autosomique récessive, la probabilité d'avoir un enfant atteint de la maladie est de 25%.

 

Quelles sont les manifestations cliniques ? 

 

La principale caractéristique d’une fièvre récurrente auto-inflammatoire est son évolution par poussées ou crises. Les signes cliniques sont donc intermittents, séparés par des périodes ou le patient va bien. Les symptômes cliniques suivants se retrouvent avec une fréquence variable dans toutes les fièvres récurrentes auto-inflammatoires héréditaires :

- Répétition d’épisodes de fièvre sans cause évidente (au moins 3, voire 6 épisodes chez l’enfant) d’une durée de 1 à plus de 7 jours.

- Atteinte des séreuses (membranes recouvrant les cavités du corps comme le thorax et l’abdomen): responsables de douleurs thoraciques et de douleurs abdominales pouvant aller jusqu’à mimer une appendicite.

- Atteintes des articulations avec douleur ou rougeur +/- gonflement de l'articulation (arthrite).

- Atteintes musculaires : douleurs généralisées ou localisées des muscles

- Atteintes cutanées de plusieurs natures  mais qui ont le point commun de régresser spontanément et de pouvoir récidiver lors d’une autre poussée de la maladie.

  • éruptions ressemblant à de l’urticaire dans les cryopyrinopathies
  • éruptions maculopapuleuses (petits boutons rosés) dans le déficit en mévalonate kinase
  • pseudoérysipèle le plus souvent au niveau des chevilles dans la fièvre méditerranéenne familiale ou pseudocellulite dans le TRAPS. Dans ces deux cas, la peau est rouge, brillante, un peu œdématiée et douloureuse, pouvant faire penser à une infection.

D’autres signes sont spécifiques de chaque entité et comprennent par exemple :

- Signes ORL : surdité dans les cryopyrinopathies ; pharyngite dans le PFAPA

- Signes ophtalmologiques : œil rouge, douloureux, baisse d’acuité visuelle dans les cryopyrinopathies correspondant à des kératites, conjonctivites, uvéites…

- Signes buccaux: aphtose dans la FMF, le déficit en mévalonate kinase ou le PFAPA

- Signes neurologiques dans le CINCA

- Ganglions dans le déficit en mévalonate kinase et le PFAPA

 

Quelle en est l’évolution ?

 

De façon spécifique :

Le PFAPA guérit spontanément, généralement avant l’adolescence sans séquelles.

Le déficit en mévalonate kinase peut conduire à une inflammation du colon.

De façon générale :

Lorsqu’une fièvre récurrente survient fréquemment et n’est pas traitée, cela entraîne une inflammation chronique dans le sang. Dans ce cas, l’organisme produit une protéine serum amyloïd A (SAA). Chez certains patients, cette protéine n’est pas correctement dégradée et peut se déposer dans les organes et entraîner une amylose inflammatoire (aussi appelée amylose AA). Cette amylose peut toucher de nombreux organes dont le rein, le tube digestif et la thyroïde. Les dépôts accumulés dans le rein au cours du temps peuvent aboutir à une insuffisance rénale. Une analyse d’urines annuelle permet de dépister l’amylose. La FMF, le TRAPS et les cryopyrinopathies et rarement le déficit en mévalonate kinase sont à risque de développer une amylose.

 

Comment fait-on le diagnostic ?

 

Ces maladies se manifestent par des poussées inflammatoires récurrentes, sans périodicité véritable, avec un début dans l’enfance le plus souvent. Le diagnostic est difficile dans les premières années de vie quand coexistent les infections essentiellement virales qui sont les causes les plus fréquentes de poussées de fièvre à cet âge.

Le diagnostic de fièvre récurrente héréditaire répond en effet à des critères précis : le sujet doit présenter des épisodes de fièvre de durée limitée dans le temps (de quelques heures à quelques jours) séparés par des périodes sans fièvre. Ces épisodes vont se répéter régulièrement pendant des mois, voire des années. On peut demander au patient de tenir un carnet de suivi de la fièvre avec les signes associés et les traitements pris afin de s’orienter.

La distinction entre ces maladies récurrentes se fait ensuite sur la nature des signes localisés, sur la population affectée, complétée par l’analyse génétique.

 

Quels sont les examens complémentaires nécessaires ?

 

On peut demander des examens pour éliminer une infection ou une maladie auto-immune. Puis si on suspecte une maladie auto-inflammatoire, on peut effectuer des tests sanguins simples à la recherche d'une élévation des marqueurs de l’inflammation pendant les poussées qui reviennent à la normale en dehors des crises (sauf dans les formes les plus graves où l’inflammation peut être permanente mais à un moindre degré). Si l’on suspecte une maladie dans laquelle des mutations sont connues, une analyse génétique peut être demandée. En cas de suspicion de déficit en mévalonate kinase, on peut rechercher une anomalie dans les urines pendant les poussées. Il n’existe à ce jour pas de test biologique simple qui pourrait constituer une « signature » des fièvres récurrentes héréditaires.

 

Peut-on prévenir l’apparition des fièvres récurrentes héréditaires ou les dépister ?

 

Etant donné qu’il s’agit de maladies génétiques, on ne peut pas en prévenir l’apparition. On peut les dépister lorsqu’il y a des signes précoces dans des familles à risque. Par contre, on peut prévenir l’apparition de l’amylose inflammatoire en contrôlant l’inflammation sanguine par des médicaments adaptés.

 

Existe-t-il un (des) traitement(s) médicamenteux ?

 

Oui. Les fièvres récurrentes héréditaires évoluent par poussées avec un rythme plus ou moins régulier. En dehors des crises, la plupart des patients ne présentent pas de symptômes.

 

Traitements de la crise

Ce sont les crises qui vont avoir un retentissement important dans le quotidien et leur prise en charge est donc essentielle.

  • identifier voire supprimer les facteurs favorisants
  • antalgiques de classe 1 et/ou 2 associées à des anti-inflammatoires non stéroïdiens. Dans le TRAPS, le MVK et le PFAPA on peut avoir recours à de courtes cures de corticoïdes.

 

Traitements de fond

Ils permettent de prévenir les poussées inflammatoires et de diminuer l’inflammation chronique afin de réduire les risques d’amylose. Chaque maladie a son traitement propre, certains se prennent par la bouche, d’autres s’injectent. La colchicine est le traitement de fond de la fièvre méditerranéenne familiale et est très efficace.

De nouvelles molécules appelées biothérapies ont vu le jour depuis quelques années. Les inhibiteurs de l’interleukine 1 (anakinra, canakinumab) sont utilisés majoritairement dans les cryopyrinopathies.

 

Existe-t-il d’autres traitements ou mesures que le patient puisse faire ?

Si les crises sont déclenchées par le stress, le patient peut apprendre des techniques de relaxation. Si les crises sont déclenchées par les règles, on peut en parler avec son gynécologue pour adapter la contraception ou prendre des antalgiques puissants au début des règles.

 

Que peut-on espérer de ces traitements ?

Le traitement des crises permet de diminuer la durée des douleurs et de la fièvre. Le traitement de fond permet de diminuer ou supprimer la fréquence des crises et surtout d’empêcher la persistance d’une inflammation sanguine chronique et par la même de prévenir l’apparition de l’amylose inflammatoire. Mais il n’y a à ce jour aucun traitement qui permet de guérir de manière définitive ces maladies.

 

Y-a-t-il des effets indésirables de ces traitements ?

Tout médicament peut entraîner des effets indésirables qui dépendent du type de traitement utilisé. Les antalgiques utilisés dans les crises ont peu d’effets secondaires. Les corticoïdes, s’ils sont donnés plusieurs semaines,  peuvent entraîner un prise de poids, une ostéoporose, une hypertension artérielle, un diabète. La colchicine, très efficace dans la fièvre méditerranéenne familiale peut parfois entraîner de la diarrhée le plus souvent transitoire. Son surdosage (>3mg/jour) peut exposer à des complications graves. Les biothérapies (inhibiteurs de l’interleukine 1 et du TNF alpha) entraînent une immunodépression qui peut accroître la susceptibilité aux infections.

 

Un soutien psychologique est-il nécessaire ?

 

Il n’est pas obligatoire, il dépend de chaque patient, de son ressenti et de ses besoins.

 

Quels sont les conséquences de ces maladies sur la vie quotidienne (sociale, professionnelle, familiale…) ?

 

Une très grande diversité existe dans le quotidien des malades souffrant de fièvre récurrente héréditaire. Certains malades traités vivent sans crise donc parfaitement normalement jusqu’à oublier leur maladie, alors que pour beaucoup d’autres, la période de l’année, le stress, d’autre facteurs peuvent engendrer des crises avec des effets difficiles sur la vie quotidienne au jour le jour. La fatigue est une constante dans la vie des malades, avant, pendant et après les crises.

Les crises peuvent parfois entraîner un absentéisme scolaire ou professionnel qu’il faudra évaluer au cas par cas.

 

Comment se faire suivre pour la maladie ?

 

Il est très important de se faire suivre régulièrement (1 à 2 fois par an en fonction de sa maladie) par un spécialiste référent qui pourra donner le traitement le plus approprié en fonction de la maladie. Il est important d’avoir un médecin généraliste de proximité pour faire le lien avec le spécialiste et pouvoir répondre aux besoins du malade.

Il existe un centre de référence pour les adulte à l’hôpital Tenon à Paris et des centres de référence pour les enfants au Kremlin-Bicêtre, à Versailles et à l’hôpital Necker à Paris. Des correspondants en province  dans les centres de compétence sont également disponibles pour relayer les informations et prendre en charge les patients.

 

Quels sont les signes à connaître qui nécessiteraient de consulter en urgence ?

 

La fièvre peut être très élevée et mal tolérée notamment chez les enfants et les femmes enceintes. Il faut la faire baisser avec du paracétamol.

Les conséquences d’une inflammation au long cours non maîtrisée peuvent entraîner la formation d’une complication rare mais grave qui s’appelle l’amylose inflammatoire et qui peut donner des troubles rénaux avec formation d’oedèmes des membres inférieurs.

 

Où en est la recherche ?

 

La recherche avance pas à pas afin de mieux comprendre les mécanismes de la maladie et de trouver de nouveaux médicaments pour prévenir et/ou traiter les crises afin d’améliorer la qualité de vie des patients et leur survie.

 

Y a t-il des associations de patients ayant cette maladie ?

 

Oui, il en existe deux.

L’association française de la fièvre méditerranéenne familiale et des autres fièvres récurrentes héréditaires (AFFMF, site internet : http://www.affmf.org). Cette association est très active et a également un compte facebook.

L’association pour l’aide aux personnes concernées par les maladies rares : Muckle et Wells syndrome et CINCA (AWSD CINCA, site internet : http://www.amws-cinca.eu).

Un livret « Les fièvres récurrentes héréditaires » a été édité fin 2012 grâce à la Fondation Groupama pour la Santé, qui a lancé en 2009, sa ‘Collection Espoirs, maladies rares’ en éditant des ouvrages thématiques. Lien pour consulter cet ouvrage: cliquer sur le lien suivant :

http://asso.orpha.net/CEREMAI/doc/120704_Livret_Maladie_fievre_Hereditaire_interieur.pdf

 

Peut-on avoir une prise à charge à 100% ?

 

Oui, selon les cas, il est possible d’en faire la demande auprès de la CPAM.

 

Pour obtenir d’autres informations sur cette maladie, contactez Maladies Rares Info Services au 01 56 53 81 36 (appel non surtaxé) et www.maladiesraresinfo.org